Le compte à rebours est lancé
Journal d’un multi-rêve, à vélo jusqu’au Cap Nord
14 juin 2015
Entre les garages alignés, j’apprends à faire du vélo. Le ciel est bleu et j’entends non loin de là les cris d’encouragement d’un public absorbé par le match de rugby qu’il regarde.
Sur la même allée que moi, un petit garçon apprend lui aussi à pédaler, il doit avoir huit ou neuf ans. Moi j’en ai vingt-trois. Nous échangeons un sourire, il se débrouille bien, les lignes ne sont pas encore droites mais il roule bien.
Pour moi ce sont plutôt des zigzags. L’équilibre se trouve doucement.
On est le 14 juin 2015 et hier c’était… Noël ! Oui c’est exactement cela, la même euphorie que lorsque j’étais enfant.
J’ai pris ma voiture et fait l’aller-retour à Caen. Le vélo dépassait mais cela m’importait peu, je n’avais qu’une envie, monter dessus et réussir à pédaler toute seule. Je l’avais bien essayé cinq minutes dans la rue derrière la maison du vendeur, mais je n’avais pas réussi à en faire. V. m’avait poussé. Comme le jour où ma mère m’a appris à faire du vélo, elle courrait derrière moi pour m’aider à maintenir le vélo en équilibre, jusqu’au moment où elle a fini par me lâcher.
Nous sommes arrivés à 22h le soir et je trépignais d’impatience. Le vélo fut vite remonté et je m’asseyais dessus prête à me lancer de nouveau. V. me tint bien et c’était reparti. Je pédalais de mon mieux.
« Je cours à côté de toi, mais je ne te tiens plus. » Me cria-t-il.
Je pédalais toute seule.
Je m’arrêtais difficilement et essayais de démarrer seule. Le vélo ne partait pas droit, je recommençais, et voilà que je démarrais.
Je prenais mon envol.
Le matin du 14, je me réveillais avec la seule idée de remonter sur le vélo. Il avait passé la nuit dans le couloir.
Il paraissait imposant avec son pédalier en avant et son siège confortable. Il avait du mal à entrer dans l’ascenseur comparé aux autres vélos, alors qu’en réalité, il n’était pas beaucoup plus grand.
C’est en m’exerçant entre les garages, que j’ai su.
Mon nouveau vélo, ce vélo couché que je venais d’acquérir, était le début du compte à rebours pour mon départ au Cap Nord.
15 juin 2015
Je n’ose pas sortir seule avec mon nouveau vélo. Un vélo couché ne passe pas inaperçu, surtout en région parisienne où ils sont vraiment très rares. Le premier jour, il avait déjà été remarqué alors que j’étais simplement sur le parking de l’immeuble en train de m’exercer.
« Regarde son vélo ! » avait crié un jeune homme à sa copine.
Aujourd’hui, je veux aller plus loin que le parking et l’allée de garages. Ma mère m’accompagne sur son vélo droit.
Après un démarrage sans problème, je commence à zigzaguer sur le chemin dans la forêt. Je me concentre, je me détends. Mes muscles des bras se relâchent et le vélo roule droit. Plus ou moins.
Une dame me double à vélo en me demandant « Est-ce que c’est facile ? » Je lui réponds que je débute mais que cela a l’air simple. Tout est une question de pratique.
Après cinq ou six kilomètres, nous rentrons. Sur le chemin du retour, je m’amuse à faire une petite pointe de vitesse. Cela y est, je peux dire que je maîtrise le vélo couché. Pas sur les petites chicanes mais pour les allées en forêt, je maîtrise.
« Regardez son vélo ! » S’écrit une petite fille dans un parc à côté duquel je passe.
« Il est trop bien ton vélo ! » S’exclame en retour un garçon du même âge.
Je n’aime pas cela, être regardée.
Je crois que le plus difficile sur un vélo couché s’est de s’habituer à ne pas voir la roue avant. D’apprendre à savoir où elle va passer pour prendre le meilleur virage. Savoir où elle roule, pour éviter les nids de poules et les obstacles de la route.