Journal de bord,  Piste cyclable

Demi-tour de France J-8

Pour ce début d’année 2020, j’ai décidé de revenir avec vous sur mon voyage en France pendant l’été 2018. Voyage en solitaire ou presque à travers la France en vélo couché. Voici donc le récit de mon demi-tour de France.

Mon demi-tour de France : quelques jours avant le départ.

J – 8 Avant le départ.

Je viens de retrouver Eliot. Je l’ai simplement salué mais j’aurai aimé m’assoir près de lui. Lui qui est entravé par ses liens depuis quelques mois maintenant. Se doute-t-il de ce qui nous attend dans une semaine ?

Je lui ai promis que demain, nous sortirons.

J – 7 Dole – Audelange – Dole 21km

En libérant Eliot de ses chaînes,  j’ai eu l’impression de regagner, en même temps que lui, ma liberté. Quelle sensation magnifique ! Sentir au fond de soi que tout est possible.

Il est midi lorsque nous nous élançons. Nous croisons un vélo cargo qui remonte vers le centre ville puis au loin sur la piste cyclable deux voyageurs viennent de passer. Je gonfle mes poumons pour mieux respirer cette liberté retrouvée. Dans une semaine je serai moi aussi sur la route.

Bientôt l’ombre des arbres disparaît pour laisser place au soleil, haut dans le ciel. Quelle chaleur, demain nous sortirons de bon matin.

Mes jambes sont lourdes, cette reprise est plus difficile que je ne le pensais. Dans une dizaine de kilomètre je m’arrêterai pour faire demi tour.

Finalement je pousse légèrement plus loin que l’écluse d’Audelange pour m’arrêter sur l’aire de pique nique.

J – 6 Dole – Orchamps – Dole 32km

Eliot attire les sourires, tellement de sourire. J’ai arrêté de les compter. Pourquoi fait-il cet effet sur les gens ? Peut être parce qu’il est différent, peut être parce qu’il est surprenant…

Je me suis arrêtée pour discuter avec un couple de retraité.

« C’est plus difficile ? M’interpelle l’homme.

– Non, c’est bien plus confortable qu’un vélo droit. »

Nous échangeons sur les avantages du vélo couché puis il me lance.

« Vous ne faite pas le tour de France ?! »

Trop fière, je lui réponds « Si, je pars lundi pour cinq semaines. »

Sa femme me regarde interloquée : « Toute seule ? » J’acquiesce.

« Et vos parents, ils en pensent quoi ? »

J – 5

Ma mère m’a confier quelle était inquiète que je parte seule, elle aurait préféré que j’ai un compagnon de route. Au cas où. Mais au cas où quoi ?

Elle m’a demandé de lui écrire un message par jour et de bien charger mon téléphone. Je ferai de mon mieux.

Pourquoi je pars seule ? Par défi envers moi-même d’abord, puis pour prendre le temps de réfléchir à ma vie. Savoir ce que je veux vraiment pour ma vie future car ce que j’ai, ce que je suis actuellement n’est pas ce à quoi j’aspirai étant plus jeune. Est-ce que mes envies ont changé ou me suis-je simplement engagée dans une vie qui ne me correspond pas ? Dans cinq semaines seule ou presque, à vélo, j’espère que je pourrai alors décider et vivre la vie qui me convient sans être tiraillé.

Aujourd’hui journée préparatif, j’ai mis sous sachet tous mes vêtements du voyage, compartimenté le nécessaire dans les sacoches et réalisé un support pour ma poche d’eau. Demain, je testerai si la réserve d’eau tient bien.

J – 4 Dole – Audelange – Dole 21km

La réserve d’eau à l’air de bien tenir. Je ne l’ai pas vidée entièrement en roulant mais c’est plutôt concluant. Je pense qu’il faudra voir avec le temps.

J’ai placé sur le cadre du vélo mon antivol, j’avais peur qu’il gène au pédalage mais aucun problème. Il est donc facilement accessible pour les arrêts minutes. Ma seule question est sur le trousseau de double des clefs des antivols. Si on avait été deux, j’aurai confié les doubles à mon compagnon de route mais en voyageant seule, je ne sais pas comment m’organiser.

Un groupe de cinq cyclotouristes vient de me doubler, ralentissant à ma hauteur, curieux. Ils s’arrêtent quelques mètres plus loin et m’attendent, plein de question à mon égare. Ils viennent de passer quelques jours sur la piste cyclable en dormant à l’hôtel. Je fais quelques kilomètres à leur vitesse -qui est bien plus rapide que ma vitesse de croisière- et continue d’échanger avec le dernier du groupe, laissant ses compagnons nous distancer.

Il fini par me souhaiter un bon voyage et me pose une dernière question.

« Qu’est-ce qui vous passionne dans le vélo ? Car il faut être un peu piqué pour partir cinq semaines à vélo. »

Je n’ai pas le temps de lui répondre, il part rejoindre ses compagnons au loin.

J – 3 Dole – Rochefort sur Nenon – Dole 16 km

« Joli vélo ! » S’exclame un cycliste que je croisse sur la piste cyclable.

Aujourd’hui dernier entrainement avant le départ. Petit tour, juste de quoi se dégourdir les jambes et sentir que les jambes sont bien là, prêtes au départ.

Un vélo couché me double et je me rends compte qu’il n’est pas vraiment visible à côté de son compagnon perché sur un vélo droit. Il a qu’en même installé un petit drapeau triangulaire pour espérer, peut-être, être mieux vu.

J’observe mon fanion-pieuvre et je me dis qu’elle est bien visible cette pieuvre. Et puis lundi, avec les sacoches, je ne pense pas que je passerai incognito sur le bord de la route.

Les lumières et lampes de voyage sont en train de charger tranquillement, je reviens des courses, derniers achats avant le départ dont une casquette car j’ai oublié la mienne loin d’ici.

J – 2

Derniers détails, Eliot est maintenant prêt. J’ai même pris le temps de lui construire des rennes en cas de montée où je devrai le pousser.

Tout est chargé, tout tient.

Une petite appréhension commence à l’insinuer dans mes intestins. Je sais qu’une fois partie, je serai au ange. Libre de tout, libre comme l’air, libre d’aller où je veux, libre, vraiment libre.

Oser vivre librement n’est pas chose simple. Cela fait peur, cela me fait peur. C’est tellement plus simple de s’apitoyer sur son sort que de vivre sa vie. Aujourd’hui, je réfléchissais à ma vie, à mes vingt-six années écoulées, qu’ais-je fais de ma vie ? Quand je la regarde, je la trouve ordinaire, simple, se laissant aller par le courant de la vie. Mais je n’ai jamais voulu d’une vie bien rangée, ni d’une vie ordinaire. Je veux vivre une vie extraordinaire. Une vie que je rêve de vivre. Je veux faire de mon rêve une réalité !

C’est décidé, lundi, j’arrête de vivre une vie ordinaire et je commence ma vie extraordinaire. Ne dit-on pas d’ailleurs « ta deuxième vie commence quand tu te rends compte que tu n’en as qu’une ».

J – 1

Demain c’est le départ, le départ vers la liberté. Mais c’est une liberté comptée. Trente-cinq jours de liberté, loin de tout, je pourrai même échapper à mon téléphone, à l’obligation d’être toujours disponible pour un appel, un mail, un message, à la sensation permanente d’être toujours « connecté ».

« Ne pensez-vous pas qu’il n’y a rien de pire que cette impression de passer à côté de sa vie faute d’avoir eu le courage de la modeler à ses désirs, faute d’être resté fidèle à ses valeurs profondes, à l’enfant qu’on était, à ses rêves ? » Extrait du livre Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une de Raphaëlle Giordano.

Mon demi-tour de France, partie 1