Demi-tour de France (partie 1)
La préface du voyage est lisible ici.
Mon demi-tour de France : de Dole à Arras-sur-Rhône
Jour 1 : lundi 16 juillet 2018 : Dole – Frontenard 51 km
Doucement je range les dernières affaires. Je descends les poubelles. L’appartement est prêt. Je me sens prête à partir. Première étape, faire une photo d’Eliot le long du canal.
Je m’élance, Eliot tremble. Je pédale doucement, tranquillement pour me réhabituer au chargement.
La photo a été prise avec succès. Je pars timidement, sans mouvement brusque. Eliot tremble toujours. Vais-je arriver à le contrôler ?
Me voilà lancée, les kilomètres commencent à défiler. Dans mon dos, j’entends mon téléphone sonner. Qui peut bien m’appeler en ce premier jour ? Je me sens obligé de rappeler. Je déteste cette obligation, elle m’emprisonne.
Quelques kilomètres plus loin, je demande mon chemin car je ne suis pas sûre d’être sur la bonne route. La dame ne parait pas du tout savoir où l’on se trouve alors qu’elle vient de sortir d’une habitation. « Vous n’avez pas de GPS sur votre téléphone ? » fini-t-elle par me dire en guise d’aide.
Vais-je arriver à me détacher de mon téléphone ? Vais-je arriver à jouir d’une vraie liberté ?
Ce soir, première nuit chez l’habitant où une caravane avec un bon lit m’attend. Pendant la soirée, Annie et Daniel, mes hôtes, me racontent leurs aventures et leurs voyages. Daniel me dit que je deviendrai une guerrière en voyageant à vélo toute seule. Je ne comprends pas bien son propos mais je me couche confiante.
Merci Annie et Daniel, merci pour le bon repas.
Jour 2 : mardi 17 juillet 2018 : Frontenard – Charbonnières 82 km
Après un petit déjeuner très copieux, je m’élance pour mon deuxième jour. Le vent de face me ralenti, je peine. Pourquoi fais-je ce voyage déjà ?
Je suis seule. Je roule à travers la plaine, direction Tournus où je rattraperai la piste cyclable. Tournus me parait inatteignable. J’ai beau rouler, Tournus est toujours aussi loin. Pause déjeuner à Baudrière.
Tournus et ton musée du vélo où es-tu ? Il n’y a personne sur les petites routes que j’emprunte. Je suis seule.
Enfin au loin, le murmure d’une grande ville se fait entendre. Tournus te voilà après 55 km.
« Mais où va-t-elle ? » Se questionne un cycliste en me voyant. Le sourire revient. Cette petite phrase lancée m’encourage.
Cent mètres avant la piste bétonnée, le chemin est plein de cailloux. Je me concentre. Il est encore plus facile de tomber là-dessus avec un vélo couché. Une trentaine d’enfants et leur trois animatrices me regardent passer, émerveillés par Eliot. Ce n’est pas le moment de se déconcentrer. Une chute et Eliot perdrai tout son charme face au public. Et c’est réussit avec brio ! Nous arrivons sur la piste bétonnée.
Jour 3 : mercredi 18 juillet 2018 : Charbonnières – Villefranche sur Saône 70 km
Mâcon se profile devant moi. Un coup d’œil sur la carte, je dois traverser la Saône au deuxième pont. Le pont est svelte, élancé, de fines barrières permettent aux passants de bien profiter de la vue. Derrière mes lunettes de soleil, les larmes me montent aux yeux, incontrôlable. Je respire. C’est rien. Enfin, c’est juste un pont. Sans réfléchir davantage, je fonce. Plus vite c’est fait mieux c’est !
Au bout d’une dizaine de mètres sur le pont, je me rends compte que j’ai pris la piste cyclable en sens contraire. Pourvu que personne n’arrive en face car je ne peux pas changer de file.
Enfin la délivrance. Je prends le temps de photographier le pont et c’est reparti.
Premier cul de sac, je fais demi-tour. Deuxième et … troisième culs de sac. C’est difficile d’avancer et le sol est jonché de graviers et de galets.
Un cycliste me rattrape. Il lance la conversation, je le reconnais. Il était passé deux fois devant moi pendant que je pique-niquais. Nous discutons, pendant quinze kilomètres, nous allons être compagnon de route : lui tout jeune retraité avec son VTT électrique et moi chargée sur mon vélo couché.
Très belle soirée chez Annick et Yvon, le repas est délicieux et je pars me coucher avec des envies de voyages plein la tête.
Jour 4 : jeudi 19 juillet 2018 : Villefranche sur Saône – Lyon 47 km
Je me réveil dans la maison déserte, je traîne. Mes jambes sont courbaturées depuis deux jours, j’ai du mal à descendre les escaliers.
Juste avant dix heures, je referme le garage de mes hôtes et je me lance, direction les bords de Saône.
Cette partie est loin d’être belle, excepté la petite ville de Trévoux avec ses maisons assemblées dans tous les sens. Je roule et je commence à avoir faim.
J’arrive dans la grande banlieue de Lyon, Neuville sur Saône. La villes est pleine de monde et de circulation en cette heure du déjeuner. J’achète du pain et un éclair au chocolat et je file trouver une place pour pique-niquer tranquillement en bord de Saône.
Plus que vingt kilomètres avant Lyon. La piste cyclable longe une départementale qui disparait pour me laisser rouler sur la route. J’avance doucement mais surement. Je compte les ponts que je dépasse pour me repérer. Soudain, quelqu’un me parle, c’est un cycliste très bavard qui vient d’avoir cinquante ans. Il m’explique certaines constructions de la ville. Lorsque je lui dis que je me rends au tunnel de la Croix Rousse, il me propose de me montrer le chemin et me prodigue quelques conseils pratique sur le vélo à Lyon. Grâce à mon guide, je rejoins très facilement le tunnel, puis les bords du Rhône avant d’arriver chez Jérémy.
Jour 5 : vendredi 20 juillet 2018 : Lyon
« Face à la roche, le ruisseau l’emporte toujours, non pas par la force mais par le persévérance. » Jackson Brown
Jour de repos.
Dehors l’orage, je suis contente de ne pas être sur la route.
Jour 6 : samedi 21 juillet 2018 : Loire sur Rhône – Arras sur Rhône 72km
Pourquoi fais-je ce voyage déjà ? Je suis dans la voiture avec Jérémy, c’est confortable. C’est confortable d’habiter dans un appartement, c’est simple. Alors pourquoi je pars ? Pour sortir de ma zone de confort, pour dépasser mes limites, les repousser.
Allez, en route !
Journée morose, pourtant j’ai fait ma meilleur moyenne en vitesse de pédalage.
Une montée et c’est la chute. Eliot essaye de se rattraper avec ma cuisse mais le poids l’entraîne. Le pédalier me griffe.
Assise sur Eliot, je regarde un des panneaux de la ViaRhôna. Un cycliste avec son fils me demande si je cherche quelque chose. Nous discutons un peu, puis il me demande : « Mais vous voyagez seule ? » Je regarde rapidement autour de moi, comme si j’avais oublié que j’étais seule. « Oui je voyage seule. » « Faites attention à vous. » S’inquiète-t-il.
Plus tôt dans la journée, une famille m’avait posé la même question.