Demi-tour de France (partie 2)
Première partie par ici !
Mon demi-tour de France : de Arras-sur-Rhône au Tunnel de Malpas
Jour 7 : dimanche 22 juillet 2018 : Arras sur Saône – Les Tourettes 86 km
Mon humeur grise de la veille ne m’a pas quittée. Je repars tranquillement et difficilement. Les cyclistes me doublent et me croisent.
Le ciel est bleu, doucement mon humeur s’améliore. Je m’ouvre, dis « bonjour », discute. Une boulangerie ! Ma journée devient rayonnante : un pain au chocolat et c’est parti. Maintenant je me sens beaucoup mieux.
Les villes défilent. Je passe une barrière en mode « draisienne ». Quelques personnes me regardent. J’entends un enfant dire à sa mère « Mais, en fait, elle est handicapée ! » Un grand sourire sur le visage, je continue mon chemin.
Valence, je m’arrête au centre ville pour manger sur un banc. Rabi, un jeune homme ne parlant pas bien français vient me déranger. Je me souviens maintenant pourquoi je ne m’arrête pas dans les grandes villes. Je repars très rapidement. Une animation et une barrière m’empêche de suivre les panneaux de la ViaRhôna. Je descends la rue suivante mais pas de panneaux. Je demande mon chemin à un skateur. Il me propose de m’accompagner. Trop cool ! Son skate est électrique, artiste peintre, nous échangeons un petit moment.
Dans la journée, Léa, une cycliste de mon âge me double, je la double, elle me redouble. Nous finissons par discuter, puis décidons de continuer la route ensemble jusqu’au camping. Nous y partageons le repas au snack et notre emplacement de camping. Belle rencontre !
Jour 8 : lundi 23 juillet 2018 : Les Tourettes – Viviers 45km
Réveillée par les réprimandes d’une mère criant sur ses enfants car ils font trop de bruit. Euh oui… mais là madame, c’est vous qui faite plus de bruit qu’eux.
Le hasard et les rencontres font que nos voisins d’emplacement, partagent leur petit déjeuner avec nous (Léa et moi). Qu’est-ce que cela fait du bien : une tisane et des princes au chocolat.
10h15, c’est le départ, direction Montélimar. Ville qui, en théorie, n’est pas loin mais qui se révèle difficile à atteindre. Après montées et descentes, nous finissons par contourner la ville et la ViaRhôna défile de nouveau devant nous.
Après 40 kilomètres, je laisse Léa continuer et je m’arrête à l’ombre d’un arbre pour attendre Coralie, mon hôte de ce soir.
Coralie m’emmène jusqu’à chez elle. La soirée est agréable. Au menu, brochette de poulet et poivrons accompagnée d’une salade de tomates et en dessert, banane au chocolat, cuite – fondu dans les braises du barbecue. Mes papilles se régalent. Merci.
Jour 9 : mardi 24 juillet 2018 : Viviers – Sauveterre 82 km
8h15, je quitte mes hôtes et leur petit paradis de transat et chaise suspendue à l’ombre des arbres du jardin.
Objectif du jour : faire le plus de kilomètre avant 13h car je ne sais pas combien je vais devoir en faire aujourd’hui. Les villes défilent, c’est top. Le Pont-Saint-Esprit, la ville est belle mais la piste cyclable disparaît. Le panneau de la ViaRhône ne réapparaîtra qu’à Caderousse pour me perdre dans la ville. Tournant en rond, je fini par mettre le GPS.
Pause pique-nique au plan d’eau de Codolet. Je décide d’y rester jusqu’à 15h pour que le gros de la chaleur passe. Allongée, loin du monde, j’oublie où je suis. J’oublie, l’espace d’une heure qui je suis, où je vais. Je reprends connaissance. Je repars.
17h30, comme convenu avec mes hôtes, j’arrive chez eux. Pendant que la machine lave mon linge, je profite de la piscine. Que du bonheur. Vive les voyages !
21h, départ pour la visite de Avignon. La ville est animée mais je suis trop fatiguée pour en profiter.
Jour 10 : mercredi 25 juillet 2018 : Sauveterre – Beaucaire 51 km
Je me suis perdue, au sens littéral comme au figuré. Perdue car je ne sais pas où je vais aujourd’hui. Perdue parce que je ne sais pas où je vais dans ma vie. Je me sens comme en pleine brume. Un voile blanc me cache la vue.
Midi, je me décide enfin à quitter Anne, ses petits enfants et sa grande maison avec piscine. Je pars sans savoir où je vais. La vie quoi !
Je pédale, un cycliste me double, je le redouble. Je cuis sous le soleil, une horreur. Mes tomates aussi sont cuites, horrible !
Sous un pont à l’ombre, je cherche une solution pour dormir ce soir. Olivier, le cycliste s’arrête. Nous discutons. Il repart, fait une pause, je le rattrape, nous discutons. Et ainsi de suite jusqu’à Beaucaire, lieu d’arrivée de cette étape cuisante.
Nous convenons de nous retrouver à 8h30 le lendemain pour reprendre la route ensemble.
Ce soir, je fais la connaissance de Didier, un homme passionnant, remplis de voyages, partageant ses photos.
Jour 11 : jeudi 26 juillet 2018 Beaucaire – Aigues-Mortes 76 km
8h30 Rendez-vous avec Olivier, après un arrêt au marché, en route. Petits détours et retour et enfin la ville de Bellegarde.
Les chemins se suivent mais ne se ressemblent pas : routes, cailloux, crevasses, boue, flaques d’eau. Nous avançons, nous encourageant chacun notre tour.
La Via Rhôna se perd facilement. Nous nous éloignons de nouveau. Tant pis, nous irons par la départementale.
Où dormir ce soir ? Plus nous approchons de la côte, moins nous avons de possibilité. Camping trop cher, camping plein, camping sans emplacement pour les tentes.
Finalement après plusieurs demandes de conseilles aux locaux, une seule possibilité s’offre à nous. Dormir à la belle étoile devant le musée de la Marette à Aigues-Mortes. « D’autres cyclistes l’ont fait avant vous », nous assure une habitante.
Je crois qu’on se sauve la vie mutuellement avec Olivier. Sans sa présence, je n’aurai pas pu fermer l’œil de la nuit. Il me confie qu’il a les même craintes que moi. La nuit va être longue.
Je me couche sur le banc d’une table de pique-nique, mon sac en guise d’oreiller, à l’affut du moindre bruit, je m’endors.
Jour 12 : vendredi 27 juillet 2018, Aigues-mortes-Frontignan 66 km
Réveil au lever du soleil, la nuit a été saccadée entre réveil et sommeil profond. Tout est toujours là, nous quittons le musée à l’arrivée des premiers employés.
7h20 Le Grau-du-roi, la mer ! LA MER !! Après presque 700 km, je suis à la mer ! Je ne réalise pas.
Nous longeons la côte en faisant quelques détours et en découvrant « le grand sens de l’orientation » de mon camarade de route.
Arrivée à Frontignan chez Patrice vers 17h. Après une bonne douche pour laver la crasse des deux jours, Patrice nous propose d’aller à la plage.
Hop, c’est parti et nous voilà dans l’eau.
Scène irréelle, nous sommes trois inconnus, Patrice nous apprend à faire du paddle à faire du paddle. Nous rigolons. Quel plaisir de profiter juste de l’instant.
Passage au super marché et Olivier nous prépare un bon repas que nous partageons tous les trois.
Jour 13 : samedi 28 juillet 2018 Frontignan – Tunnel de Malpas
En route, nous suivons le canal jusqu’à Sète. Dernier partage, une brique de jus de fruit et Olivier part pour la gare. Je pars vers de nouvelles aventures.
Cela fait très bizarre d’être de nouveau seule. Seule sur la route. Il faut se recréer des repères et avancer. Toujours avancer, même si la route est défoncée, cabossée, défigurée.
Je pleure.
Le temps est si différent, seul l’instant compte. Je ne sais pas où je vais. Je pense, juste peut être, où j’aimerai aller.
Je pleure de liberté. Quelle immense sensation, quelle immense émotion.
Je vais reprendre la route, peut-être jusqu’à Béziers, peut-être plus loin. Si je ne trouve rien, tant pis pour la recharge du téléphone. Et si je finis vide de batterie, je serai peut-être complètement libre.
* * *
Non, c’est bien trop pratique le GPS, Internet pour réserver des campings. Je ne me laisse pas abattre. Je viens de faire des demandes de gamping pour les prochains jours. J’espère que cela aboutira car je ne sais pas si je supporterai deux nuits de suite à la belle étoile.
J’ai mal au genou. Je pleure, j’ai juste envie de prendre le train pour rentrer.
Je désespère dans la nuit.